Infection à Clostridioides difficile, MICI… Et si les microARN permettaient de moduler finement l’inflammation intestinale dans ces pathologies sévères ?
Le projet MIR, issu de l’Unité MICALIS (INRAE, Université Paris-Saclay), explore une voie thérapeutique innovante grâce à un microARN prometteur dont l’efficacité a déjà été démontrée sur plusieurs modèles précliniques. Un projet à fort potentiel, aujourd’hui accompagné et financé par la SATT Paris-Saclay, en vue d’un futur transfert vers un industriel.

► Qu’est-ce qui vous a conduit, en tant que clinicien-chercheur, à explorer la piste des microARN pour traiter l’inflammation intestinale ?

Imad Kansau : Historiquement, notre équipe travaille depuis environ vingt ans sur les interactions entre un pathogène spécifique, la bactérie Clostridioides difficile, et l’hôte humain, plus précisément la muqueuse intestinale.
Nous nous sommes d’abord intéressés aux différentes structures de surface de cette bactérie, notamment les flagelles, qui sont de petits appendices mobiles permettant, entre autres, à la bactérie de se déplacer. Ces flagelles, ainsi que d’autres composants de surface, jouent un rôle clé dans le déclenchement d’une réaction inflammatoire chez l’hôte.

En étudiant ces interactions, nous avons découvert que les flagelles induisent une forte réponse inflammatoire, qui s’ajoute à celle provoquée par les toxines que la bactérie peut produire également. Cette inflammation excessive contribue à aggraver les lésions intestinales et donc la sévérité de la maladie chez les patients. Nous avons ainsi compris que cette inflammation intense est un facteur clé des formes graves de l’infection. À partir de cette constatation, nous avons voulu comprendre comment moduler cette réponse inflammatoire, pour la diminuer sans l’éliminer complètement, car une inflammation contrôlée est nécessaire pour lutter contre l’infection. C’est là que nous avons commencé à étudier la régulation cellulaire, et plus particulièrement la régulation par les microARN. Ce sont de petites molécules d’ARN, d’environ 20 nucléotides de long, produites naturellement par l’organisme, qui jouent un rôle essentiel dans la régulation des voies de signalisation et donc des fonctions des cellules.

Ces microARN peuvent augmenter ou diminuer l’activité des signaux inflammatoires. En cherchant à savoir comment expliquer la réponse inflammatoire trop importante, donc délétère pour l’intestin, nous avons identifié plusieurs microARN liés à cette régulation. Parmi eux, un microARN en particulier s’est révélé fortement exprimé lors de l’inflammation provoquée par les flagelles de la bactérie.
Nous avons alors synthétisé cette molécule en laboratoire et testé son efficacité in vitro sur des cultures de cellules intestinales puis in vivo, en l’injectant par voie intraveineuse à des souris infectées par Clostridioides difficile. Les résultats ont montré une réduction significative de la sévérité de l’inflammation, avec une diminution des lésions intestinales, une diminution des diarrhées, et une meilleure survie des souris malades.
Cette découverte a ouvert la voie à un traitement innovant ciblant la régulation de l’inflammation via les microARN, avec un potentiel fort pour améliorer la prise en charge des patients souffrant d’inflammations intestinales sévères.

► En quoi la technologie MIR se distingue-t-elle des approches actuelles ?

I.K. : Les microARN, ou miR, appartiennent à la même famille que les petits ARN interférents (siRNA), mais leur fonctionnement est différent. En substance, les microARN bloquent les ARN messagers qui codent pour les protéines. Comme nos cellules, nos structures et nos fonctions dépendent de la synthèse protéique à partir des gènes, le microARN peut donc interrompre la production de protéines spécifiques, ce qui empêche la cellule d’exécuter certaines fonctions. Au départ, nous nous sommes demandés : si cette technologie réduit l’inflammation sévère induite par une bactérie, pourquoi ne pourrait-elle pas s’appliquer à d’autres contextes inflammatoires ?
C’est ainsi que nous avons testé cette molécule dans un modèle animal mimant les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).

Nous avons observé une diminution modérée, mais notable, de l’inflammation, ce qui nous a conduits à envisager une action anti-inflammatoire plus générale de notre microARN. L’approche thérapeutique visée est donc de modérer cette inflammation sévère, que ce soit dans l’infection à Clostridioides difficile ou dans d’autres inflammations intestinales. Dans le cas des infections, le traitement antibiotique cible la bactérie, ce qui est nécessaire pour guérir le patient. Malgré cela, certains patients développent des formes sévères, voire mortelles, à cause d’une inflammation excessive. Notre idée est d’utiliser le microARN en complément, pour réduire cette inflammation et favoriser la réparation de la muqueuse intestinale.
Pour les MICI, dont les causes exactes restent encore mal définies et multifactorielles, cette molécule pourrait freiner les poussées inflammatoires aiguës, améliorant ainsi la qualité de vie des patients.

Aujourd’hui, les traitements contre les MICI reposent principalement sur les corticoïdes, qui agissent de manière très générale, et les biothérapies, comme les anticorps monoclonaux ciblant les molécules pro-inflammatoires.