La glomérulonéphrite à croissants (GNC), est une maladie de cause auto-immune très rare entraînant de façon irréversible la perte de la fonction de filtration rénale et un taux de mortalité pouvant aller jusqu’à 20% la première année.  Il n’existe aujourd’hui pas de traitement spécifique efficace à cette maladie. En vue de répondre à ce besoin thérapeutique non satisfait, Daniel Gillet, spécialiste en ingénierie des protéines au sein du CEA-Saclay et Pierre-Louis Tharaux, néphrologue et spécialiste de la GNRP au sein de l’Inserm ont développé une protéine thérapeutique, nommée DTR8, qui agit spécifiquement sur les cellules du rein et permettant de réduire considérablement les lésions rénales. Accompagnés depuis 2018 par la SATT Paris-Saclay pour la maturation de leur technologie dans le cadre du projet DTR8, ils recherchent aujourd’hui à valoriser le développement de cette innovation. Daniel Gillet revient pour nous sur leur aventure.

L’aventure DTR8 débute avec la rencontre entre un chercheur et un clinicien. Racontez-nous !

Daniel Gillet :Tout a débuté en 2008, lorsque Pierre-Louis Tharaux m’a contacté. Alors néphrologue au sein de l’Inserm au Paris Cardiovascular Research Center, il avait identifié le mécanisme physiopathologique de cette maladie rénale rare ainsi que le facteur de croissance impliqué dans son développement : l’HB-EGF, qui est aussi le récepteur de la toxine diphtérique. De mon côté, je travaillais à l’époque, en tant que spécialiste des toxines bactériennes au sein du CEA, sur la toxine diphtérique et notamment sur la production de fragments de toxine diphtérique sous toutes leurs formes. Nous avons alors débuté notre collaboration autour de cette cible thérapeutique et en l’espace de deux ans, nous avions élaboré un inhibiteur surpuissant. Nous avons ensuite fait subir à ce fragment de toxine diphtérique une ingénierie comptant plusieurs mutations en vue d’améliorer ses propriétés. Nous avons augmenté sa solubilité, amélioré très significativement son affinité, nous avons réduit son antigénicité, c’est-à-dire sa capacité à être reconnue par les anticorps existants et l’avons partiellement dé-immunisé afin de réduire sa capacité à stimuler le système immunitaire. Un financement de l’ANR nous a permis de tester cette molécule chez l’animal et d’apporter une première démonstration d’efficacité. Nous avons souhaité approfondir notre preuve de concept chez un plus grand nombre d’animaux. Après avoir obtenu un premier financement de la Fondation Maladie Rare, puis un second de notre business angel, la société CEMAG Care, nous avons répondu en 2016 à un Appel à projets de la SATT Paris-Saclay pour compléter les fonds nécessaires au développement du projet.

Comment votre innovation répond-t-elle au besoin de traitement de la glomérulonéphrite à croissants ?

Daniel Gillet : Cette maladie, également nommée glomérulonéphrite rapidement progressive, est une maladie des unités de filtration du rein qui perdent leur fonction. Les traitements actuels sont basés sur une immunosuppression agressive. Ciblant principalement les causes immunitaires de la maladie, ils n’agissent pas directement sur le rein. .Une proportion importante des patients développe une insuffisance rénale terminale à terme et la mortalité atteint 10 à 20% des patients au cours des premières années de traitement, notamment à cause d’infections. Notre projet vise le développement d’une protéine thérapeutique qui agit spécifiquement sur les cellules rénales pour une action immédiate, ciblée, qui permet la récupération des fonctions rénales. En effet, nous avons démontré que la protéine thérapeutique bloque in vivo le facteur de croissance qui intervient dans la prolifération des cellules qui obstruent les unités de filtration du rein et nous protégeons le rein.

Comment la SATT Paris-Saclay vous a-t-elle soutenu et va-t-elle poursuivre son accompagnement dans le futur ?

Daniel Gillet : Après avoir déposé notre dossier de candidature en 2016, nous avons bénéficié de l’aide précieuse de la SATT pour la préparation de notre dossier en vue de son évaluation par le comité d’investissement. Notre projet sélectionné, nous avons débuté, en février 2018, notre programme de maturation pour lequel la SATT nous accompagne encore aujourd’hui. Avec elle, nous avons peu à peu changé de référentiel pour passer de chercheurs académiques à développeurs. La SATT nous a notamment aidé à réfléchir au développement de notre molécule thérapeutique selon les standards de l’industrie pharmaceutique en nous faisant prendre conscience des différentes étapes à franchir en vue de la valorisation de cette innovation. Aujourd’hui, la SATT nous accompagne également dans le transfert de cette technologie. Des contacts sont en cours avec des investisseurs et industriels. Autant d’étapes à venir pour la valorisation de notre technologie dont les bons résultats confirment aujourd’hui le potentiel de ce candidat médicament.

Daniel Gillet
Porteur du projet DTR8
Institut des sciences du vivant Frédéric Joliot – CEA